funerailles

funerailles

La coutume lao entourant les funérailles est, en général, conforme aux prescriptions bouddhiques.

Lorsqu’un malade est sur le point de mourir, les membres de la famille viennent avec des fleurs lui demander pardon de ce qu’ils ont fait de répréhensible à son égard. Ce pardon donne santé et longue vie aux membres de la famille, et le mourant peut trépasser en poux, conservant dans son coeur l’espoir de renaître dans une famille heureuse.

Pendant son agonie, le mourant se tourmente et une personne de son entourage doit préparer son esprit. Elle lui recommande de penser aux bienfaits qu’il a reçus sur cette terre et à ceux qu’il recevra dans l’autre monde, et de répéter, jusqu’à extinction respiratoire, la formule: ” phoutthô, thammô, sangkhô “, qui évoque la bonté et la pureté originelles. Le mourant qui maintient son esprit sain et pur renaîtra heureux. Au contraire, celui dont l’esprit est malsain et impur renaîtra malheureux.

D’après la religion bouddhique, il est recommandé d’inviter les bonzes à venir prier aussitôt qu’on s’aperçoit que le malade va expirer; car, en voyant les bonzes et en entendant leurs prières, il s’en réjouit et n’a point à se troubler devant la mort. Cependant, la plupart des moribonds considèrent cette visite comme une chose funeste. Aussi, la prière a-t-elle lieu habituellement lorsque le malade a rendu le dernier soupir; elle se fera deux fois par jour, tant que le cercueil demeurera à la maison.

On procède au bain mortuaire avec de l’eau tiède, puis avec de l’eau fraîche; le froid doit être en contact avec la chaleur. C’est, en effet, une des lois de la nature que l’existence simultanée des contraires: le froid et la chaleur, le bonheur et le malheur, le meilleur et le pire, la naissance et la mort, etc.

Après le bain, on parfume le corps avec du jus de curcuma ou d’autres liquides odoriférants. Une ancienne coutume exigeait qu’après l’onction du curcuma on prît les empreintes du pied et de la main, soit avec de l’étoffe blanche, soit avec du papier blanc. Mais cela se faisait seulement pour un chef de famille (père ou mère), un bienfaiteur ou un protecteur. Les héritiers, détenteurs de ces empreintes, les conservaient comme souvenir.

La toilette funèbre terminée, on revêt le cadavre de deux habits. Le premier vêtement se met à l’envers. S’il s’agit d’un veston ou d’un pantalon, on le retourne; si c’est un sampôt, le noeud de la ceinture doit être derrière et la pointe devant. Le deuxième vêtement se met, lui, comme à l’ordinaire: il est choisi parmi les costumes préférés du défunt de son vivant. L’habit à l’envers est celui de la mort. Cette dualité symbolise la succession infinie de la naissance et de la mort. Puis on peigne le mort en se servant d’un peigne cassé ou partiellement édenté. Pour cela, on brise tout exprès un peigne neuf. Après usage, les vivants ne pourront point s’en servir sans péril.

Il faut empêcher le mort de revenir parmi les vivants et, pour cela, l’attacher. On se sert d’un gros fil de coton blanc. Le même lien sert à entourer le cou à lier les deux mains et les pieds. Ne devant pas être coupé, ce lien forme un noeud à chacun des endroits attachés. Les trois noeuds symbolisent l’éternité.

Le corps, enveloppé d’un linceul, est allongé parallèlement à la grande dimension de la maison, à l’inverse des vivants qui couchent toujours dans le sens de la largeur pour se prémunir contre des surprises funestes durant leur sommeil.

Pourquoi introduit-on de l’argent ou de l’or dans la bouche du mort? C’est pour lui donner un viatique pour vivre chez les ” Phi ” (revenants), car ceux qui croient à l’existence des ” Phi ” pensent que le défunt renaîtra dans le monde des esprits. Il est vrai que, selon la religion bouddhique, cette coutume a un sens: le défunt, si riche qu’il ait été de son vivant, ne peut rien emporter de ses biens. Il ne peut même pas avaler ce qu’on lui met dans la bouche. Seuls ses mérites ou ses péchés peuvent le suivre.

Seront mis en bière ceux qui sont morts de maladie ordinaire ou de vieillesse. Le cercueil est refusé à la femme morte en couches, à ceux ou à celles qui meurent d’une maladie contagieuse, tel le choléra, ou d’un accident, d’un assassinat. Ils n’ont pas droit non plus à la prière des bonzes. Il semble cependant qu’une évolution se dessine dans un sens plus charitable à l’égard du défunt, sans toutefois contredire le dogme.

On doit veiller jour et nuit. Les veilleurs causent, jouent, se livrent à quelques divertissements. Durant le séjour du mort à la maison, et même plus tard, se déroulent des fêtes, plus ou moins importantes selon la situation de la famille, au cours desquelles la famille fait des offrandes, donne des repas aux bonzes et à tous ceux qui viennent lui prêter leur concours.

Les bonzes sont invités aux obsèques, parce qu’ils sont nos précepteurs, nos guides. Ils nous mettent sur le bon chemin comme ils nous conduisent vers la pagode pour y entendre le sermon. Ils nous exhortent à observer les règles bouddhiques et à pratiquer la charité pour qu’après la mort nous puissions monter au paradis. Il est recommandé à un ou plusieurs des fils ou petits-fils du défunt de se faire bonze pour le conduire au cimetière; ils rendent ainsi correctement les derniers devoirs à leur bienfaiteur. Cinq bonzes suffisent pour conduire les funérailles.

Le jour venu, les proches parents du défunt doivent se vêtir de blanc, symbole de pureté et signe de deuil. Les parents éloignés, les amis et connaissances n’y sont pas contraints. Ils suivent le cortège derrière les proches parents. Dès que le cortège funèbre parvient au cimetière, on dépose le cercueil dans un endroit convenable. Les bonzes récitent des prières tant pour le mort que pour l’assistance: ” Le corps que l’âme a quitté n’est rien. Bientôt, il sera chose inutile sur la terre, comme le tronc de l’arbre mort. La vie est une chose éphémère. Naissance et mort se succèdent suivant un rythme naturel. Après être né, il faut disparaître. Le bonheur est dans le néant de cette disparition. Tous les animaux meurent, sont morts ou devront mourir. Nous aussi, nous mourrons: la mort est certaine… “

Ce n’est ni par les plaintes ni par les pleurs que la famille espère obtenir le bonheur futur du défunt; c’est par la pratique de la charité, l’observance des commandements bouddhiques, l’audition des sermons, la méditation pieuse.

Après les prières d’usage et les offrandes aux bonzes, le cercueil est, suivant les cas, mis dans une fosse ou transporté sur un bûcher crématoire. Mais avant cette opération, on a eu soin de faire faire au cercueil trois tours autour de la fosse ou du bûcher. Puis avec le fléau servant à transporter le cercueil, ou avec le coin du cercueil près duquel se trouve la tête du mort, on frappe trois fois sur un des pieux de la fosse ou sur le bûcher. Cette coutume a pour but de prévenir le défunt et les vivants que la naissance et la mort se succèdent indéfiniment dans les trois mondes des “phrom”; ou encore que chaque homme, durant sa vie, assiste à trois cortèges: celui qui l’accompagne à la pagode pour se faire bonze; celui qui l’accompagne chez la mariée; celui qui le conduit à sa dernière demeure. Avant la crémation, on ouvre le cercueil, puis on lave la figure du mort avec de l’eau de coco et du parfum. L’eau de coco est le symbole de la pureté. Pour mettre le feu au bûcher, les assistants, munis chacun d’un cierge, d’une torche résineuse ou d’une baguette de santal qu’ils allument à un feu préparé à l’avance, se rendent au bûcher en file indienne, suivant un ordre de préséance bien établi, et jettent le brandon dans le four en murmurant à l’adresse du mort: ” Puissiez-vous renaître dans la béatitude ! ” Pour l’allumer, il est interdit de prêter sa flamme ou de se servir de celle d’un voisin.

Pendant ce temps, la famille fait des offrandes, dites ” van kalaphuk ” et (l vanha-kèo )), qui consistent en poignées de citrons ou de bouts de branches de bananier dans lesquels a été introduit une pièce de monnaie, ou des pièces de monnaie mélangées à du riz grillé appelé khao-tok-tèk, que l’on lance à la foule.  Mais on pense à ceux qui restent. La maison mortuaire a été entourée d’un long fil de coton appelé faï-moungkhon, afin qu’on puisse en chasser la tristesse, les maladies, le malheur, les phi, etc. La cérémonie terminée, on enlève le fil de coton. Le lendemain on recueille les os du défunt. La famille fait des préparatifs spéciaux, elle invite les bonzes à y assister, rassemble les offrandes, apporte les outils nécessaires, fait porter des seaux d’eau pour éteindre la braise et laver les os.

Avant de toucher aux cendres, on doit voir si elles laissent des empreintes animales ou humaines. Le défunt renaîtra sous la forme d’un homme, d’un oiseau d’un poulet, d’un boeuf, d’un buffle suivant que l’empreinte laissée sur les cendres est celle d’un homme ou d’un animal. Ce dernier cas se présente, il est vrai, rarement.

On recueille les os dans un morceau de bananier évidé, à l’aide de pinces en boit. Les ossements sont ensuite mis dans une urne posée soit au milieu du four crématoire, soit en dehors. Puis on élève dans ce four une statue faite de cendre: mouillée et représentant vaguement un être humain. Avec un fil de coton, on entoure l’urne et les offrandes; puis on invite les bonzes à faire la prière qui clôt la cérémonie.

    L’urne contenant les ossements du  défunt sera confiée par la famille à une pagode, ou enterrée dans un emplacement choisi sur lequel sera élevé un tombeau ou un stupa. La maison mortuaire est appelée ” hueun di ” (maison heureuse). Là, on travaille, on cause, on chante, on boit, on danse et on joue. On y entend le bruit des orchestres et les cris de joie. De tels spectacles ont quelque chose de déconcertant aux yeux des étrangers. Il ne faut pas, cependant, attribuer à ces gestes une marque d’irrévérence à l’égard du mort. La famille du défunt, malgré son l’air souriant, souffre profondément. Elle s’abstient de se répandre en pleurs et, en lamentations publiques, car elle sait la dignité d’une douleur discrète et noble.